Dior, couturier du rêve?

Le Musée des Arts Décoratifs s’est associé avec la grande maison de couture Dior pour nous proposer une rétrospective sur leur perception de la mode. L’exposition a ouvert ses portes le 5 juillet et ne les fermera que le 7 janvier, une très longue exposition pour des arts du textile !

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Une scénographie à la hauteur du géant de la mode

Les deux ailes du musées sont dédiées à l’exposition Dior, des créations couvrent les murs du sol au plafond et donne un effet enchanteur au lieu. La scénographie est particulièrement soignée : on nous plonge tour à tour dans un jardin fleuri puis dans une salle de bal ou dans le Paris des années 50. Des petites mains de la maison de couture sont même présentées en vitrine! Oui! Derrière des cordons se trouvent des employées qui nous montrent et peuvent nous expliquer la mise en place des patrons et des maquettes. Cela peut être un peu perturbant mais riche d’informations. C’est une belle réussite et un plaisir pour le regard, l’effet enchanteur et onirique est là.

Un propos complet

Pour ce qui est du propos, il est assez complet. La précédente rétrospective parisienne consacrée à Christian Dior avait eu lieu dans la même institution en 1987. Elle était centrée sur les dix années de création du couturier fondateur, de 1947 à 1957.

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Pour célébrer les soixante dix ans de la Maison, cette nouvelle rétrospective montre une histoire plus complète de la vision de Christian Dior en commençant par ses débuts en tant que galeriste puis la création de sa maison de couture après la guerre et la lignée de ses successeurs : Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et aujourd’hui Maria Grazia Chiuri. Le discours est complété par la présentation des créations de Frédéric Castet pour la haute fourrure, celles de Serge Lutens, de Tyen et de Peter Philips pour la beauté, ainsi que de François Demachy pour les parfums.

L’esprit critique porté disparu

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Christian Dior, robe Opéra bouffe, haute couture automne-hiver 1956, ligne Aimant

Néanmoins comme l’on pouvait s’y attendre l’ombre de la maison mère empêche une expression libre et critique. Dior est présenté comme un génie sans aucune nuance et cela frise la mauvaise foi dans certains cas. Ainsi, le potentiel spectateur peut lire sur le site du musée : « Personnage-clé de la mode du XXe siècle depuis sa collection « New Look » du printemps-été 1947, Christian Dior a profondément modifié l’image de la femme, renvoyant au passé la silhouette masculine des années de guerre. Ses robes expriment une féminité moderne, celle de sa femme-fleur, dessinant un corps aux courbes sinueuses et dont le port fait référence à la culture académique du ballet classique. » NON Christian Dior n’était pas moderne ! L’image de la femme fleur est un retour manifeste au XIXème siècle et à la belle époque.

 

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Affiche pour le salon des cent, E. Grasset, 1894

L’affichiste Grasset, misogyne patenté, l’utilisait déjà dans ses œuvres art nouveau. Grasset qui parlait de femme-fleur et qui disait dans ses carnets privés : «l’homme et la femme ne sont pas seulement différents par le physique, mais leur mentalité est ennemie l’une de l’autre (…). Et la femme n’a rien à donner si ce n’est son corps». La femme est alors mise au rang d’objet décoratif. Christian Dior issu d’une grande famille bourgeoise veut retrouver les femmes fantasmées et dociles de la fin du XIXème siècle et alors que l’émancipation féminine commençait à avoir lieu à travers le vêtement des années 30-40, il fait un grand retour en arrière et nous propose une silhouette à la taille étriquée, à la poitrine raffermie, au jupon en corole telle une jonquille mise en pot… Tout cela avec du tissu rationné à cette période qui aurait pu servir à des actions peut-être plus urgentes. Donc Dior a permis à Paris de revenir sur le devant de la scène de la haute couture mais certainement pas pour sa modernité au départ. Il aurait été souhaitable de la part du musée d’avoir un discours plus nuancé et scientifique malgré la pression du mécénat.

Ce mécénat permet aussi une une exposition si longue. La question de la conservation préventive se pose dors et déjà. En effet, les exposition de textile dure traditionnellement trois mois. Il faut dire que l’exposition risque de brasser de grosses sommes. Mais le spectateur en a pour son argent en vue de la richesse de la collection.

2 commentaires sur “Dior, couturier du rêve?

  1. Je ne suis pas une grande fan des expo de mode, même si j’apprécie les jolies robes. Je comptais quand même aller voir l’exposition car la scénographie à l’air fascinante et impressionnante ! Mais les kilomètres de queue devant l’institution, tout aussi impressionnants, m’en dissuadent fortement.

    Le problème que tout soulève à propos de l’orientation « marketing » du propos est assez courante dans les expo de mode, surtout quand elles sont monographiques. On appelle ça des « publi-expositions » sur le modèle des « publi-reportages »

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